Ça arrive sans prévenir, d’un coup comme ça. Un article vu sur le net, une police sur un devis, un message dans un forum. Et l’idée vient de suite avec je ne sais pas comment, mais je peux en faire quelque chose. Vient ensuite une phase de recherche : mais d’où vient cette police, qu’est-ce donc que cette nouvelle technique, quel est ce nouveau langage. Puis, par jeu de réaction en chaîne c’est tout une industrie qui se met en route.
Et l’on se perd dans les pages de manuels, sur les forums, dans le terminal, le but n’est plus cette idée d’origine, mais de trouver la ligne de commande, le paramètre attendu par le programme, la configuration à déclarer — et le temps que l’on passe à chercher la réponse dépasse de loin le temps que l’on avait prévu initialement.
On a le sentiment de se perdre, de ne pas comprendre pourquoi on ne comprend pas. De ne pas savoir où chercher. Arrête de te prendre la tête, à chaque fois, tu as toujours fini par t’en sortir. Mais on n’entend pas. On cherche juste à comprendre d’où vient cette erreur qui survient à la compilation, pourquoi le résultat n’est pas celui qu’on attend, et pourquoi je n’y arrive pas ! C’est pourtant simple ! C’est vrai qu’on s’est déjà pris la tête de la même manière des centaines de fois auparavant mais ça n’est pas la même chose, maintenant ça j’ai compris, là c’est autre chose, quelque chose de nouveau, et c’est ça qu’on veut.
Et la nuit passe, la première ; et l’idée se transforme. On n’a pas encore fini ce que l’on souhaitait que déjà d’autres pistes se dessinent. On comprend ce que cette technique peut également s’appliquer dans tel autre domaine, que le programme pourrait également être utilisé pour faire ça, mais avant d’en arriver là, il faut déjà pouvoir comprendre ce qui ne veut pas marcher.
En même temps, à force de rencontrer les erreurs, on finit par sentir l’idée. On n’a pas encore compris, mais déjà, une idée plus précise se fait sentir. C’est la deuxième étape : nos recherches sur internet nous ont permis de trouver un article qui présente un problème similaire, ou une présentation théorique du cadre. Et le temps passe, il faut du temps pour que ça murisse, pour que l’on comprenne.
Déjà, on n’est plus dans l’instant. L’impulsion d’origine s’est épuisée. C’est désormais autre chose qui vient de prendre le relais, une autre énergie. Non plus l’énergie initiale qui cherchait à créer du nouveau, mais celle de vouloir faire fonctionner les choses, et au fur des jours, on fini par comprendre, par acquérir ce qui nous manquait au début.
C’est alors que le jouet perd de son intérêt.